Les hommes sont invisibles mais ils sont au coeur de cette série, qui, dans le théâtre d’un hôtel abandonné, joue le drame d’un modèle économique épuisé et d’une nature instrumentalisée.
Cinq étages, des centaines de chambres, plus de portes, ni de fenêtres, des montagnes de gravats au sol…. Le Kalenda est laissé à l’abandon. Comme une épave échouée sur la plage. Marcher au milieu de cette ruine procure de très impressionnantes sensations, le sentiment étrange de profaner un lieu. Car même éventré, l’hôtel conserve les traces de son lustre passé et les murs semblent ne pas se résoudre à l’absence et au vide qui se dégagent aujourd’hui des lieux. La nature, elle, ressurgie de l’oubli, reprend sa place, sauvage.
Cette série, très littéraire, joue un drame en trois actes : le naufrage et l’usure du temps ; l’absence et le vide ; la nature qui déborde les cadres auparavant imposés.
Mon travail sur le Kalenda a pour but de questionner le modèle de développement de nos sociétés en montrant la faillite d’un de ses fleurons. Elle invite à la réflexion sur les questions de protection de l’environnement et de développement durable.
Les photographies, réalisées en argentique et au moyen format, entrent en résonance avec les écrits d’Alfred Alexandre, auteur de Bord de canal (Prix des Amériques insulaires et de la Guyane) et des Villes assassines.
" On entre par une porte qui tourne le dos à la mer. Et c’est le cœur serré, comme au long d’un cimetière échoué, qu’on marche. Vers les silences où s’abrite le secret des épaves qu’on dirait blanchies par l’écume.
Bientôt, on voit, de plus en plus nombreux, des visages sortir du vide qui les efface de nos mémoires et soulever, une fois encore, le brouhaha des rires, des tintements de verres et de couverts, des chants, des danses sous les paillettes, puis des applaudissements qui achèvent la nuit, juste avant le pas lent des amours qui, chuchotant, remonte vers les chambres.
Ce sont, à vrai dire, des visages qu’on ne reconnaît pas, mais ils sont familiers. Et leur rumeur approfondit l’absence. Alors, on sait. On sait qu’on a parcouru la cartographie muette d’un paysage invalidé par le temps.
Il reste, avant de partir, à deviner par quelle fenêtre la mer, en son progrès de sables et d’herbes folles, pourrait souffler à notre oreille la conque nouvelle des alizés qui bruissent autour du monde, en une longue vague solidaire. "
Alfred Alexandre
Dos à la mer
On entre par une porte qui tourne le dos à la mer. Et c’est le cœur serré, comme au long d’un cimetière échoué, qu’on marche. Vers les silences où s’abrite le secret des épaves qu’on dirait blanchies par l’écume.
Bientôt, on voit, de plus en plus nombreux, des visages sortir du vide qui les efface de nos mémoires et soulever, une fois encore, le brouhaha des rires, des tintements de verres et de couverts, des chants, des danses sous les paillettes, puis des applaudissements qui achèvent la nuit, juste avant le pas lent des amours qui, chuchotant, remonte vers les chambres.
Ce sont, à vrai dire, des visages qu’on ne reconnaît pas, mais ils sont familiers. Et leur rumeur approfondit l’absence. Alors, on sait. On sait qu’on a parcouru la cartographie muette d’un paysage invalidé par le temps.
Il reste, avant de partir, à deviner par quelle fenêtre la mer, en son progrès de sables et d’herbes folles, pourrait souffler à notre oreille la conque nouvelle des alizés qui bruissent autour du monde, en une longue vague solidaire.
Alfred Alexandre