Légendes sur "i" (Infos)

Chambre 207

" Le 4 août 1983 j’étais sur la route, avec mon père, sa nouvelle compagne et sa fille. C’était l’année de mes sept ans. Nous étions en partance pour la Corse, il était tard et nos parents ont décidé de s’arrêter à Avignon pour y passer la nuit. Ils ont retenu deux chambres au Sofitel, dans le quartier de la Balance, près du Palais des Papes. La chambre des enfants était la 207 : j’y ai laissé ma mémoire et mon enfance.

Cette nuit-là, sept personnes ont été assassinées dont mon père et sa compagne. L’affaire n’a jamais été entièrement élucidée, mais l’enquête a néanmoins fait apparaître un mobile : une tentative de hold-up menée par des malfaiteurs « sans envergure » qui a dégénéré en carnage. Les circonstances du massacre sont restées imprécises.

Dormant cette nuit-là avec O. dans une chambre attenante à celle de mon père, sous le choc, je perds la mémoire. Trente ans plus tard, j’entame des recherches, ouvre de nombreuses portes et collecte des documents. La vérité se dérobe, je déplace alors mon regard et disperse l’horreur pour conjurer le traumatisme. Je revisite et photographie des lieux que j’ai pu - ou que j’aurais pu - traverser avec mon père. Je me rends à Avignon sur les lieux du drame, dans la région d’Arles, où a été retrouvé l’un des inculpés, et en Corse, la destination de vacances d’août 1983. Je retourne en Allemagne où mon père exerçait pour les Affaires étrangères, et au Sénégal, où j’ai passé ma petite enfance avec mes parents.

Je mêle à mes photographies éléments d’enquête, archives de presse et objets familiaux pour composer un recueil questionnant la mémoire, le deuil et la réparation. Mon approche se situe à l’encontre du pathos et du spectaculaire et interroge les limites de l’image : que peut-on montrer, comment, pourquoi, pour qui ? Comment rendre tangible des notions abstraites et partager l’intime pour toucher à une forme d’universel ?

Le médium photographique se transforme en un instrument réparateur, l’œuvre prend forme et devient l’unique moteur. "

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Conçu comme un essai visuel, Chambre 207 relève autant de la reconstitution que de la reconstruction. Ce projet nous transporte dans une temporalité anachronique, mêlant le futur et le passé de cette nuit du 5 août 1983, et nous donne à voir une quête de vérité qui, peu à peu, se transforme en délivrance.

Publication de Chambre 207 aux Editions Actes Sud (octobre 2024).
Prix Nadar 2024.

Projet réalisé avec le soutien du Centre national des arts plastiques, de l’Institut pour la photographie et du Centre méditerranéen de la photographie.

Sélection mise en ligne parmis 90 photographies et documents présents dans l'ouvrage. Chambre 207 est également accompagné d'écrits de l'auteur et d'une postface de Clément Chéroux.